A quoi tu ressembles ? +Questions à Magali Wiéner
Ils sont 12 : 11 garçons et une fille.
12 adolescents de la même classe.
On fait la connaissance de chacun de septembre à août avec un bonus pour l'un d'entre eux (10 ans après).
Parfois, l'histoire de l'un fait écho ou se mêle à celle d'un autre. Cela donne au lecteur un éclairage différent, qui doit être vigilant pour bien repérer chacun.
Ils racontent chacun un moment fort vécu personnellement ou en bande.
La chute est toujours cinglante ou surprenante.
Mais en même temps, ils en disent long sur leur vision du monde et surtout sur ce qu'ils n'aimeraient pas devenir en tant qu'adultes. Il y a là dans ces pages beaucoup d'intime, mais en même temps une maturité bluffante.
Le titre-parfait-nous dit déjà presque tout : à quoi tu ressembles ? Et surtout pas à qui...
Se défaire des modèles parentaux, choisir sa route, assumer ses choix, se réjouir de ses victoires, se découvrir, vivre ses passions : peu importe le prix. Vivre est le plus important. Le plus vital même.
J'ai particulièrement aimé ces portraits-miroirs tendus, révélant nos faiblesses, nos lâchetés, nos compromis de pacotille, ceux que les adultes assènent pour se donner bonne conscience.
J'ai aimé leur vision du monde, entière, pleine, à fleur de peau. Ils n'y vont pas par le dos de la cuillère pour certains d'entre eux, alors que d'autres éprouvent respect envers leurs parents mais avec un œil d'une objectivité bien réfléchie.
C'est remarquablement bien écrit et bien vu : on croirait presque que l'auteure les a fait parler tant c'est direct. Il a fallu que je me fasse violence au début pour ne pas arriver à la chute trop vite et me délecter des situations.
J'en aurais parfois voulu un peu plus de leur histoire, tant ils m'ont éblouie. Ils m'ont vite manqué...
Un roman qui séduira autant les ados que les adultes tant ces personnages émeuvent et bousculent. Mais est-ce encore des personnages ?
J'ai donc eu envie de poser mes questions directement à Magali Wiéner et voici ses réponses ainsi que des échanges dont je me souviendrais :
J'ai donc eu envie de poser mes questions directement à Magali Wiéner et voici ses réponses ainsi que des échanges dont je me souviendrais :
On vous sent très proche de cet âge flamboyant tant ce que vous faites passer est juste. D'où vous vient cette acuité ?
C’est un très beau compliment que vous me faites et je le reçois avec une joie teintée de gêne. Etre au plus proche est un souci constant de mon écriture, je refuse la caricature ou l’artifice, et tant pis si c’est cru, brutal, sans espoir. La vie est ainsi parfois, c’est l’écriture authentique des autres qui m’a touchée et m’a poussée à écrire. L’adolescence reste flamboyante en moi, même si j’ai passé la quarantaine et me suis bien installée dans ma vie d’adulte (pas très adolescente), mais je sais que quelque chose brille en moi de ces années-là, dont j’ai très peu oublié. Je crois que je ne me suis jamais sentie aussi vivante qu’à l’adolescence, une vie qui me débordait et que j’ai appris à canaliser. Très souvent, au cinéma, dans la rue, en feuilletant un magazine, je suis émue par un visage adolescent, je les trouve magnifiques, tout en promesse, en ivresse, en rêve. Un peu comme semble le dire la couverture de ce livre. Ils n’ont pas de frein. Je les aime aussi pour ça.
On sent une urgence dans ce livre. Peut-être est-ce dû au format des nouvelles mais quand même. Comment s'est imposé ce livre à vous-même ?
Une urgence ? S’il y en a une, ce n’est pas conscient de ma part. Je ne crois pas qu’il y a d’urgence, ou plutôt je n’écris pas dans l’urgence. Mais j’accepte votre ressenti et votre regard porté dans la mesure où un livre dépasse toujours de beaucoup son auteur et ses intentions ;-) Ce qui s’impose à moi ce sont des histoires, des moments de vie qu’on me raconte, que j’ai vécus, que je lis dans un magazine ou un journal. Je n’avais pratiquement jamais écrit de nouvelles avant ce livre. Ce format s’est imposé à moi parce que ma vie, en ce moment, ne me permet pas d’être en coulée profonde (chose pour moi nécessaire pour l’écriture d’un roman). Du coup la forme de la nouvelle me convenait parfaitement, des instants de vie en miroir de mes instants d’écriture, et c’est très vrai car certaines ont été écrites dans un temps très restreint, très contraint, même si ensuite j’y revenais pour des retouches, des corrections. Donc, pour revenir sur la naissance de ce livre, j’ai eu trois-quatre histoires et j’ai constaté qu’elles avaient un thème commun, que je n’avais pas cherché, qui était le moment où les ados comprennent (avec douleur souvent) que les adultes qui les entourent ont leurs failles, leurs imperfections, leurs limites alors que les années d’avant ils les voyaient différemment. A ce moment-là, j’ai creusé ce sillon avec un grand plaisir car finalement cette facette de la vie me touche considérablement encore maintenant quand je vois les ados traverser cette période, et cela m’a touchée moi-même assez brutalement quand j’étais ado, c’est difficile à accepter, à encaisser et à la fois c’est ce qui nous permet à nous aussi de devenir des adultes imparfaits.
Vos personnages sont tellement vivants. Chez eux aussi, il y a cette urgence. Personnages fictifs ou empruntés au réel ? Et pourquoi une seule fille ? (j'ose..)
L’urgence s’explique peut-être simplement par le fait que ce sont des éclats de vie, parfois c’est juste une soirée, une représentation théâtrale, ou même quelques heures, cela impose que ça aille vite, il ne peut pas y avoir de temps mort, encore une fois on n’est pas dans le long cours du roman où l’on peut se perdre, s’ennuyer.
Fictifs ou réels ? Evidemment les deux parce que j’écris beaucoup en écoutant les gens raconter des tranches de vies, des anecdotes, des faits divers. Beaucoup de réel, au sens, où je regarde le monde pour écrire et je cherche à être au plus près de ce monde, sans jamais y parvenir à mon avis. Les écrivains du réel me fascinent et m’enseignent énormément, je pense à Zola et Flaubert, bien sûr, mais plus près de nous Houellebecq et Philip Roth, par exemple.
La question de l’unique fille, Diane, est une vraie question à laquelle je n’ai pas de réponse. Je ne m’en suis pas rendu compte, même si cela semble impossible à croire une fois les livre achevé. Je n’écris pas avec un plan, je ne savais pas combien de nouvelles j’allais écrire. J’écris en étant mon personnage, toutes ces histoires sont écrites à la première personne parce que c’est ainsi que je les entends et les vis. La question du sexe du personnage ne se pose jamais, ce que je veux dire c’est que quand je mets devant mon clavier ou dans mes carnets, je ne me dis pas « Alors aujourd’hui fille ou garçon ? », l’histoire est là, elle est vécue par un garçon ou une fille avant que je l’écrive et je la reçois. Mon précédent roman Les Carcérales/ Un garçon si gentil chez Milan est raconté par un garçon aussi, Rodrigues… C’est vrai que c’est une question (pour un psy sûrement), je n’ai pas d’explications, sinon peut-être que les garçons me touchent plus dans leur fragilité adolescente ou peut-être plus simplement parce que j’ai deux garçons à la maison, que je les vois évoluer sous mes yeux… Je ne sais pas…mais c’est ce qui a plu à l’éditrice parce qu’elle trouve que ce sont des voix qu’on entend peu, ou pas assez. Mais de mon côté, il n’y a aucun calcul, aucune préméditation. Le livre est ainsi, je n’allais pas tout bouleverser au nom de quotas,, de la parité, du parfait équilibre lors même que mes histoires font une si belle place au déséquilibre !
Et ce titre que je trouve parfait ? Il était déjà là au départ ou il est apparu peu à peu, à la fin ?
Le titre se discute souvent avec l’éditeur. Le dossier dans lequel j’avais « rangé » les histoires portait le nom de code « Face cachée ». Après discussion avec l’éditrice, j’ai convenu que ce n’était pas porteur. J’ai pensé qu’on pouvait faire simple, en prenant le titre d’une des nouvelles. Pour construire mon recueil, j’ai découpé des bandes de papier de couleur avec le titre de chacune des nouvelles et prénom du narrateur. Je les ai manipulées et c’est là que m’est venue l’idée du déroulement sur une année scolaire – quand je vous confie que je planifie rien, que ce n’est pas construit longtemps à l’avance ! – et en les faisant défiler, j’ai pensé qu’A quoi tu ressembles ? était le titre qui pouvait englober toutes les autres. J’aime beaucoup ce titre, d’autant qu’il est très difficile de répondre à cette question à l’adolescence, c’est flou, évanescent, en devenir… On ne veut en tous les cas surtout pas ressembler à ses parents !
L'avez-vous fait lire à des adolescents avant sa publication ? Et aussi à des adultes ? Ou pas du tout ?
Depuis peu, j’applique la méthode vantée par Philip Roth, choisir 5 personnes qui liront avant de soumettre à l’éditeur. Mes lectrices n’étaient pas adolescentes au moment de la lecture, mais l’ont été et ont autour d’elles des ados. Faire lire est un moment de prise de risque mais il permet de mettre la lumière sur des points que je n’ai pas forcément vus, c’est une étape importante dans mon travail.
Vos projets ?
J’écris, je continue mes histoires en éclats de vie, cette fois les filles sont plus présentes. Et j’ai un roman, plus autobiographique, qui est presque prêt, je devais le présenter fin août, et je m’aperçois en vous écrivant qu’on est déjà le 3 septembre, je suis donc en retard… mais le chantier est en bonne voie
C’est un très beau compliment que vous me faites et je le reçois avec une joie teintée de gêne. Etre au plus proche est un souci constant de mon écriture, je refuse la caricature ou l’artifice, et tant pis si c’est cru, brutal, sans espoir. La vie est ainsi parfois, c’est l’écriture authentique des autres qui m’a touchée et m’a poussée à écrire. L’adolescence reste flamboyante en moi, même si j’ai passé la quarantaine et me suis bien installée dans ma vie d’adulte (pas très adolescente), mais je sais que quelque chose brille en moi de ces années-là, dont j’ai très peu oublié. Je crois que je ne me suis jamais sentie aussi vivante qu’à l’adolescence, une vie qui me débordait et que j’ai appris à canaliser. Très souvent, au cinéma, dans la rue, en feuilletant un magazine, je suis émue par un visage adolescent, je les trouve magnifiques, tout en promesse, en ivresse, en rêve. Un peu comme semble le dire la couverture de ce livre. Ils n’ont pas de frein. Je les aime aussi pour ça.
On sent une urgence dans ce livre. Peut-être est-ce dû au format des nouvelles mais quand même. Comment s'est imposé ce livre à vous-même ?
Une urgence ? S’il y en a une, ce n’est pas conscient de ma part. Je ne crois pas qu’il y a d’urgence, ou plutôt je n’écris pas dans l’urgence. Mais j’accepte votre ressenti et votre regard porté dans la mesure où un livre dépasse toujours de beaucoup son auteur et ses intentions ;-) Ce qui s’impose à moi ce sont des histoires, des moments de vie qu’on me raconte, que j’ai vécus, que je lis dans un magazine ou un journal. Je n’avais pratiquement jamais écrit de nouvelles avant ce livre. Ce format s’est imposé à moi parce que ma vie, en ce moment, ne me permet pas d’être en coulée profonde (chose pour moi nécessaire pour l’écriture d’un roman). Du coup la forme de la nouvelle me convenait parfaitement, des instants de vie en miroir de mes instants d’écriture, et c’est très vrai car certaines ont été écrites dans un temps très restreint, très contraint, même si ensuite j’y revenais pour des retouches, des corrections. Donc, pour revenir sur la naissance de ce livre, j’ai eu trois-quatre histoires et j’ai constaté qu’elles avaient un thème commun, que je n’avais pas cherché, qui était le moment où les ados comprennent (avec douleur souvent) que les adultes qui les entourent ont leurs failles, leurs imperfections, leurs limites alors que les années d’avant ils les voyaient différemment. A ce moment-là, j’ai creusé ce sillon avec un grand plaisir car finalement cette facette de la vie me touche considérablement encore maintenant quand je vois les ados traverser cette période, et cela m’a touchée moi-même assez brutalement quand j’étais ado, c’est difficile à accepter, à encaisser et à la fois c’est ce qui nous permet à nous aussi de devenir des adultes imparfaits.
Vos personnages sont tellement vivants. Chez eux aussi, il y a cette urgence. Personnages fictifs ou empruntés au réel ? Et pourquoi une seule fille ? (j'ose..)
L’urgence s’explique peut-être simplement par le fait que ce sont des éclats de vie, parfois c’est juste une soirée, une représentation théâtrale, ou même quelques heures, cela impose que ça aille vite, il ne peut pas y avoir de temps mort, encore une fois on n’est pas dans le long cours du roman où l’on peut se perdre, s’ennuyer.
Fictifs ou réels ? Evidemment les deux parce que j’écris beaucoup en écoutant les gens raconter des tranches de vies, des anecdotes, des faits divers. Beaucoup de réel, au sens, où je regarde le monde pour écrire et je cherche à être au plus près de ce monde, sans jamais y parvenir à mon avis. Les écrivains du réel me fascinent et m’enseignent énormément, je pense à Zola et Flaubert, bien sûr, mais plus près de nous Houellebecq et Philip Roth, par exemple.
La question de l’unique fille, Diane, est une vraie question à laquelle je n’ai pas de réponse. Je ne m’en suis pas rendu compte, même si cela semble impossible à croire une fois les livre achevé. Je n’écris pas avec un plan, je ne savais pas combien de nouvelles j’allais écrire. J’écris en étant mon personnage, toutes ces histoires sont écrites à la première personne parce que c’est ainsi que je les entends et les vis. La question du sexe du personnage ne se pose jamais, ce que je veux dire c’est que quand je mets devant mon clavier ou dans mes carnets, je ne me dis pas « Alors aujourd’hui fille ou garçon ? », l’histoire est là, elle est vécue par un garçon ou une fille avant que je l’écrive et je la reçois. Mon précédent roman Les Carcérales/ Un garçon si gentil chez Milan est raconté par un garçon aussi, Rodrigues… C’est vrai que c’est une question (pour un psy sûrement), je n’ai pas d’explications, sinon peut-être que les garçons me touchent plus dans leur fragilité adolescente ou peut-être plus simplement parce que j’ai deux garçons à la maison, que je les vois évoluer sous mes yeux… Je ne sais pas…mais c’est ce qui a plu à l’éditrice parce qu’elle trouve que ce sont des voix qu’on entend peu, ou pas assez. Mais de mon côté, il n’y a aucun calcul, aucune préméditation. Le livre est ainsi, je n’allais pas tout bouleverser au nom de quotas,, de la parité, du parfait équilibre lors même que mes histoires font une si belle place au déséquilibre !
Et ce titre que je trouve parfait ? Il était déjà là au départ ou il est apparu peu à peu, à la fin ?
Le titre se discute souvent avec l’éditeur. Le dossier dans lequel j’avais « rangé » les histoires portait le nom de code « Face cachée ». Après discussion avec l’éditrice, j’ai convenu que ce n’était pas porteur. J’ai pensé qu’on pouvait faire simple, en prenant le titre d’une des nouvelles. Pour construire mon recueil, j’ai découpé des bandes de papier de couleur avec le titre de chacune des nouvelles et prénom du narrateur. Je les ai manipulées et c’est là que m’est venue l’idée du déroulement sur une année scolaire – quand je vous confie que je planifie rien, que ce n’est pas construit longtemps à l’avance ! – et en les faisant défiler, j’ai pensé qu’A quoi tu ressembles ? était le titre qui pouvait englober toutes les autres. J’aime beaucoup ce titre, d’autant qu’il est très difficile de répondre à cette question à l’adolescence, c’est flou, évanescent, en devenir… On ne veut en tous les cas surtout pas ressembler à ses parents !
L'avez-vous fait lire à des adolescents avant sa publication ? Et aussi à des adultes ? Ou pas du tout ?
Depuis peu, j’applique la méthode vantée par Philip Roth, choisir 5 personnes qui liront avant de soumettre à l’éditeur. Mes lectrices n’étaient pas adolescentes au moment de la lecture, mais l’ont été et ont autour d’elles des ados. Faire lire est un moment de prise de risque mais il permet de mettre la lumière sur des points que je n’ai pas forcément vus, c’est une étape importante dans mon travail.
Vos projets ?
J’écris, je continue mes histoires en éclats de vie, cette fois les filles sont plus présentes. Et j’ai un roman, plus autobiographique, qui est presque prêt, je devais le présenter fin août, et je m’aperçois en vous écrivant qu’on est déjà le 3 septembre, je suis donc en retard… mais le chantier est en bonne voie
Un grand merci !
A quoi tu ressembles ?
Magali Wiéner
Le Rouergue
Doado
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