Dans les yeux
Dans les yeux.
De qui ?
D'un enfant et d'un animal, à première vue.
Et puis, très vite, une alternance de voix.
Une noire et une rouge.
La noire du côté de l'affût, à gauche.
La rouge du côté de l'insouciance, à droite.
Des carrés pleine page pour les signifier.
Philippe Jalbert revisite le plus célèbre des contes, en juxtaposant deux niveaux simultanés : la traque et la promenade, jusqu'à un premier face-à-face poli qui pose les deux protagonistes dans leur réalité.
Le conte se déroule de manière très suggestive : une voix intérieure angoissante et une qui s'exprime en toute innocence. Le lecteur a vraiment l'envie physique de vouloir regarder derrière chaque carré. Cela procure une sorte de vertige saisissant. Il sent qu'autre chose va surgir mais ne sait pas encore quoi.
Puis, du moment où le Petit chaperon rouge entre dans la maison de sa grand-mère, tout se renverse comme un point de non-retour : elle se retrouve cette fois à gauche de la page et le loup à droite.
Les dernières pages sont haletantes, la peur est palpable et le symbolisme des deux derniers carrés, un rouge à gauche et un noir à droite, dans un ultime regard, vous cueille littéralement en apnée.
Le conte s'arrête là. Pas de Perrault ni de Grimm. Mais une autre version. Epurée.
Les illustrations, comme des gravures, toutes de noir et de rouge, ajoutent une note de mystère et de profondeur. Un certain charme à l'ancienne également.
Il y a une latence si puissante dans cet album qui me bluffe littéralement par sa modernité, par le conte réinventé au-delà du conte lui-même et de ses différentes versions.
Affronter la peur du loup en constitue le message qui s'y déploie d'une manière totalement novatrice dans une triple vision, celle de l'auteur-illustrateur et celles des deux protagonistes dans un face-à-face cruel et terrifiant. Mais se confronter à ses peurs, n'est-ce pas aussi cela ? Aboutir à une forme d'abstraction qui a pourtant des contours bien réels.
Dans les yeux.
Dans les yeux.
Et en plein dans le cœur !
Dans les yeux
Philippe Jalbert
Gautier-Languereau
Mes élèves de CE1 ont adoré! Ils ont eu peur aussi mais demande à le relire encore et encore!!!
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